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COSMOCÈNE - A propos d’un orteil dans le smog 

Becquemin&Sagot

dessins, vidéo, sculptures, performance, 2022

« Vous avez l’apparence de la vie, mais vous n’exprimez pas son trop-plein qui déborde, ce je ne sais quoi qui est l’âme peut-être et qui flotte nuageusement sur l’enveloppe. »

Le Chef d’œuvre inconnu, Balzac, 1831

La plaque de Pioneer fut envoyée dans l’espace par les Etats Unis en 1972. Message à l’attention d’hypothétiques extraterrestres, elle n’est pas tant le relais d’une humanité en quête d’autres vivants qu’une synthèse de la cosmogonie capitaliste et patriarcale dont elle rejoue les fantasmes néo-colonialistes. Depuis, les projets spatiaux poursuivent ce récit, de l’extractivisme interstellaire à l’économie touristique spatiale. Sur cette plaque, un homme dessiné salue l’inconnu, tandis qu’à ses côtés, passive et lascive, une femme à la longue chevelure, légèrement déhanchée, sexuée et pourtant sans vulve, l’accompagne. Elle s’efface derrière cet homme : celui qui, dominant ses semblables et sûr de ses prérogatives, part à la conquête de l’espace en vue de découvrir des territoires encore vierges et inexplorés.

L’analyse méticuleuse de la représentation de son orteil marque le point de départ de cette exposition qui, en nous rappelant le pied vivant qui émerge d’un chaos de couleurs dans le Chef d’œuvre inconnu (Balzac, 1831) convoque le fantastique et ce qui pourrait rester aujourd’hui du romantisme et de ce qu’il nous dit du récit d’une contre-modernité.
Le récit que nous faisons ici d’une cosmogonie de poussière dans un monde asphyxié par un smog, ce brouillard urbain mélange de particules fines et d’ozone, qui s’épaissit chaque jour un peu plus jusqu’à engloutir lentement l’ensemble du vivant et de nos perspectives. Un smog qui se rejoue dans l’espace en dust bowl tournoyant dans lequel s’accumulent les objets que nous ne cessons d’extruder de notre planète industrieuse. 
En faisant du smog le matériau brumeux de notre mélancolie, nous nous faisons ici chimères, évoquant les utopies impossibles. Nous invitons à une méditation dans laquelle l’espace serait dégagé de tout profit pour donner épaisseur et voix aux cieux étoilés, aux fourmillements de nos sols et de nos océans.

Becquemin & Sagot

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