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Carte de tendre, Terre amoureuse, Férale, 2023

Aquarelle sur papier, 150 x 100 cm

Stéphanie Sagot pour le Nouveau Ministère de l’Agriculture

Cartographier le Tendre, pour une écosensibilité amoureuse

Dans sa Carte de Tendre (1654), Madeleine de Scudéry revisite par une allégorie topographique l’amour courtois du Moyen Âge en souhaitant rénover les mœurs de son temps par la réification de structures de sensibilité. 

Réengager aujourd’hui ce lien entre territoires et sentiments, entre terre et tendresse, me permet de documenter le réel et de donner à voir une série de récits écosensibles, amoureux[1] et situés témoignant de l’engagement de personnes cultivant une esthétique du soin portée à l’ensemble du vivant. Il reprend également un des sens anciens du mot Amour, qui définit une terre fertile vers 1200. En 1805 apparaît l’expression Terre amoureuse en technique agricole pour désigner une terre bien ameublie et rendue fertile. Elle disparaît des dictionnaires en 1928, alors même que l’agriculture intensive prend son essor[2].

« Terre amoureuse » est pour moi une manière de situer la création comme une écologie politique évoquant un monde qui se réforme, se fertilise et dont les lieux sont constitués de la matérialisation des sentiments. Parcourir, rencontrer et cartographier est ainsi une invitation à embrasser le monde et à engager une pratique de la relation.

La carte Férale présentée ici est inspirée des lieux, pensées et actions de l’historienne de l’art et passeuse de transe Charlotte Cosson avec qui j’ai pu vivre l’expérience de la transe comme mode de soin et de partage du sensible. 

Signifiant « réensauvagé », Férale nomme son lieu de vie permaculturel en Provence qu’elle partage avec un ensemble de terrestres, dont Hugo, maraîcher et Inès, sage-femme. C’est également le titre de son essai qui vient de paraître et dans lequel elle « répond à des problématiques concrètes avec des œuvres issues de cette nouvelle sensibilité d’amour pour les vivants »[3].

Ma topographie de ces lieux prend pied dans un réel nourri de nos imaginaires, elle arpente des terres d’autant plus amoureuses qu’elles sont aussi celles de l’art, c’est à ce titre que celles de Férale côtoient le Jardin des délices de Jérôme Bosch ou la fleur cyclopéenne de Jacques Demy. Cette première aquarelle inaugure une série qui a vocation à documenter un ensemble d’initiatives témoignant de la manière dont les écotopies prennent pied dans le réel. 

 

 

[1] L’amour dont nous parlons ici est à entendre comme dégagé des dominations patriarcales et proposé comme acte et théorie politique dans le sens où le propose Bell Hooks in A propos d’amour, éditions Divergences, 2022, 1ère édition américaine 2000

[2] Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 2010

[3] Charlotte Cosson, Férale, réensauvager l’art pour mieux cultiver la terre, Actes Sud, 2023

Ci-dessous, détails : 

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